Ce vaste marchandage impliquerait le sort des "conflits gelés" aux pourtours de l'Europe (Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud), les crises du Moyen-Orient comme le nucléaire iranien, l'approvisionnement de l'Europe en hydrocarbures et le désarmement. "Ce serait un paquet d'une complexité inouïe", commente-t-on à l'OSCE.
Le 7 juillet, en marge du sommet du G8 au Japon, le chef du Kremlin a mis sa proposition sur la table, lors d'entretiens bilatéraux avec Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande, Angela Merkel. Il a aussi développé son idée, à Moscou, devant des diplomates russes.
L'idée exposée le 5 juin par M. Medvedev consiste à "élaborer un traité légalement contraignant sur la sécurité européenne, auquel les organisations existant actuellement dans l'espace euro-atlantique pourraient devenir parties". Un "pacte régional " fixerait les conditions de l'emploi de la force "dans les relations au sein de la communauté euro-atlantique". Ce qui, selon certains analystes, revient à un droit de regard sur les opérations de l'OTAN. Ce pacte, a ajouté M. Medvedev, "pourrait parvenir à une résolution générale des questions de sécurité et de contrôle d'armements en Europe". Depuis 2007, en dépit de multiples tentatives américaines pour un compromis, Moscou a décidé un moratoire sur le Traité sur les armes conventionnelles en Europe, négocié au sein de l'OSCE.
Car, pour le président russe, "l'atlantisme a vécu, nous devons (donc) parler d'unité au sein de tout l'espace euro-atlantique, de Vancouver à Vladivostok". Se référant à l'Acte final d'Helsinki de 1975, M. Medvedev semble proposer qu'une nouvelle entité soit créée à la place de l'OSCE, qui regroupe 56 Etats, précisément de Vancouver à Vladivostok.
Chose marquante, M. Medvedev a proposé que, dans la préparation de cet accord paneuropéen, les Etats agissent "à titre individuel, laissant de côté toute allégeance à des blocs ou autres groupes", en fonction de leurs seuls "intérêts nationaux" et sans "motivations idéologiques déformantes". Une formulation semble-t-il destinée à marginaliser le rôle de l'UE, de l'OTAN, et les valeurs que ces organisations entendent incarner.
Alors qu'un "partenariat stratégique" est en négociation entre la Russie et l'Union européenne sous présidence française, une source à l'Elysée a émis des réserves face au plan de M. Medvedev : "Nous accueillons cela dans un esprit positif, tant que ce n'est pas une duplication de l'OSCE." Le 7 juillet, devant des journalistes, M. Sarkozy a déclaré que si Moscou propose "un arc de sécurité de Vancouver à Vladivostok, ça mérite d'être étudié".
Aucun dirigeant occidental n'a formellement donné suite aux idées de M. Medvedev, qui, selon des diplomates, tiennent du ballon d'essai. Moscou demande en effet depuis des années une refonte des règles en vigueur au sein de l'OSCE, notamment pour ce qui concerne ses institutions chargées du suivi de l'évolution des Etats en matière de démocratisation.
L'offre de M. Medvedev se veut en tout cas plus conciliante, dans sa tonalité, que ce discours aux accents de guerre froide prononcé en février 2007 à Munich par son prédécesseur, Vladimir Poutine. Les Russes, disent des diplomates, posent des jalons, mais ne s'attendent pas à une réponse avant l'installation d'une nouvelle administration américaine.